Monica Deferr, une des artistes sélectionnées pour le deuxième tour de la bourse fédérale Sans que l'on en comprenne à priori les causes, les personnages de ces photos noir-blanc ont quelque chose d'inquiétant. Puis, en les observant mieux, on réalise ce que leur présence comporte d'ambivalence. PAR HELENE TAUVEL-DORSAZ Si leur visages, leurs attitudes et leurs
vêtements confirment la réalité de leur existence, le flou qui fait fondre leurs
contours dans un environnement lui-même évanescent les rend absents, un peu comme si le
droit dêtre là leur était refusé. Cette ambivalence entre dailleurs en
correspondance avec limpression double que les personnages figurés sont familiers,
alors que lon en reconnaît aucun. Mais la proximité de ces êtres qui nous
font face est aussi créée par leur emprunt à des religions, des mythes ou des contes.
Les interférences entre ces différentes sources sont dailleurs fréquentes,
puisquune atmosphère de Sainte Cène peut réunir autour dune table un lutin
rieur, une sorcière dubitative voire désabusée, et un vampire qui ne parvient pas à
faire peur. Ce chevauchement de sens est la source datmosphères diverses,
générant de la drôlerie, de lironie, du grotesque, de létrangeté... Mais
sa raison dêtre va bien au delà de ces effets, puisquil débouche sur une
question de fond: celle de la dualité contenue dans lêtre humain. L'artiste
précise à ce propos que sa démarche a comme point de départ la mise en scène de
l'ombre (le plus souvent la sienne), et qu'il lui paraît essentiel que l'homme accepte
les pulsions antagonistes qui l'animent. Sa réflexion s'est en outre nourrie de lectures
appartenant à des courants de pensée aussi apparemment éloignés que la religion
chrétienne et le romantisme. |
Il y a deux hommes en moi, je fais le mal que je ne veux pas faire Et je ne fais pas le bien que je voudrais faire (Saint-Paul). Ou encore Partout où j'ai voulu
dormir, (Alfred de Musset, la nuit de décembre, Poésies nouvelles).
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Si le travail de Monica Deferr
est lisible au plan de l'individu, il est tout autant au plan social, puisque, comme elle
le souligne, "on peut aussi voir notre projection du double sur un être réel. Es
c'est à partir de là qu'un mécanisme de défense se met en place, donnant lieu à la
crise mimétique et sa résolution, le sacrifice". Dans le prolongement direct de
cette réflexion, l'artiste s'est penchée sur la notion de bouc émissaire. Elle
mentionne à ce propos la constatation malheureusement fort juste de René Girard :
"Pour comprendre les mythes, il suffit d'observer le comportement des groupes
enfantins. Leur persécutions prends pour cible de préférence les étrangers, les
derniers venus, ou, à défaut, un membre du groupe qu'une infirmité quelconque ou un
signe physique distinctif désigne à l'intention de tous les autres membres". Née au Pérou, Monica Deferr vit et travaille à St. Léonard (Valais). Elle est diplômée de l'Ecole des Beaux-Arts de Sion (1993) et a exposé récemment à Ruine (Genève). |